A la découverte des Walser en Suisse, par Henri ROUGIER

Date: 24.02.2020 à 00:00

Les Walser sont un peuple qui possède une histoire et s’identifie avant tout par une langue, une forme originale d’aménagement territorial et la création d’un paysage spécifique en rapport avec l’économie pastorale. Une étroite relation à la nature caractérise la géographie des Walser.
La conférence souhaite montrer la territorialité des Walser en Suisse, du Valais aux Grisons en passant par le Tessin. Unité et diversité surgissent dès qu’on s’intéresse aux lieux les plus célèbres de cette diaspora, unique dans le peuplement de la chaîne alpine.

Henri Rougier est Professeur émérite de Géographie (Université de Lyon).
Il a réalisé sa thèse de Doctorat d’Etat dans les Grisons (sujet : Les hautes vallées du Rhin). Dans le cadre des échanges européens Erasmus, il enseigne à la Humboldt-Universität zu Berlin. 
Il a fondé en 2008 à Chamoson (VS) l’association Géoterrain dont il est le président. Son but est de faire connaître, apprécier et défendre le patrimoine naturel et culturel des Alpes suisses. 
Il a écrit de nombreux ouvrages sur les Alpes, la Suisse et Zermatt (www.editionslep.ch).

A propos des Walser

On connaît peu les Walser en Romandie ; sans doute est-ce dû au fait que leur implantation concerne pratiquement l’autre bout de la Suisse, en particulier les Grisons. 
Le mot « Walser » est la contraction de « Walliser », signifiant « Valaisan ».
Ce terme désigne une ethnie apparue pour la première fois en vallée de Conches au XIIe siècle, d’où un rapport direct entre le lieu et la dénomination d’un peuple.
On est en présence d’un phénomène unique dans l’histoire du peuplement de toutes les Alpes. Voici une ethnie, une authentique civilisation de pasteurs, éleveurs de bovins, qui s’établit sur les espaces encore disponibles au Moyen-Age. Durant des siècles, ils se livrent à des migrations qui débordent le cadre suisse pour s’étendre sur le versant sud des Alpes pennines, ainsi qu’au Liechtenstein, en Autriche occidentale (Vorarlberg) et dans quelques vallées bavaroises (Klein Walsertal).
On a beaucoup écrit sur l’histoire des Walser, sur leur dialecte, leurs coutumes, leur genre de vie. C’est donc tout un ensemble de spécificités qui les caractérise.
Jusqu’à présent, la « géographie des Walser » n’a été que peu présente dans la littérature qui leur a été consacrée. Je suis le premier à en avoir parlé en France, en 1976, lors d’une conférence prononcée devant l’Association de Géographes Français. Dans ma thèse de Doctorat d’Etat sur « les hautes vallées du Rhin » (publiée en 1980), j’ai consacré une grande place aux Walser, pour qui j’ai ressenti dès le début un profond attachement. Je leur ai par la suite consacré la place que j’estimais qu’ils méritaient dans mes livres sur les Alpes, la Suisse et Zermatt.

Le but de ma conférence est de faire découvrir aux Suisses de Romandie d’autres Suisses, à l’autre bout de la Confédération. 
Les Walser sont d’authentiques aménageurs de l’espace, par conséquent également des créateurs de paysages. Par leur activité essentielle d’éleveurs, ils eurent besoin de vastes superficies, qu’ils trouvèrent sans trop de difficultés dans les parties amont des vallées, au pied des cols, dont ils sécurisèrent aussi le passage jusqu’à la fin du XIXe siècle, avant que les chemins de fer et les routes modernes ne créent une véritable révolution dans la fonction de transit nord-sud de la Suisse.

Le maître-mot pour définir le paysage façonné par les colons est « dispersion de l’habitat » : même si cela ne se vérifie pas partout, c’est la dominante fondamentale. Le Pays de Zermatt, l’Avers ou encore Obersaxen fournissent des exemples remarquables. Cette dispersion de l’habitat -dans certains cas une vraie atomisation- aboutit à ce que des communes possèdent une vingtaine de fractions, réparties entre un lieu central (la Platz) et une périphérie.
On observe par ailleurs une architecture typique, fondée sur la « maison du Gotthard », mais adaptée aux besoins de la fonctionnalité dictée par la pratique de l’économie pastorale.

De nos jours, la présence des Walser se marque par des implantations durables et une population fière d’appartenir à cette civilisation. L’Union Internationale des Walser, à Brigue, et l’Union des Walser des Grisons à Davos, perpétuent et intensifient la connaissance de ces valeureux paysans de la montagne.
Il est réconfortant de constater un fort attachement à un patrimoine, hérité d’une longue histoire, mais qui a vu au fil du temps une très exemplaire adaptation à son époque. Cette volonté de montrer la pérennité des traditions, sans pour autant qu’elles connaissent une dérive folklorique est un garant d’authenticité et la preuve que si la Terre tourne, les Walser demeurent.

Henri Rougier

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