Nicolas Bourquin, Société de Géographie de Genève
Itinéraire
Géographe et environnementaliste de formation, j’ai été passionné par la photographie depuis mon adolescence. Le monde naturel, la macro-photographie et la photo de paysage sont mes sujets de prédilection. Je suis né à Genève et j’ai eu la chance de bien voyager depuis mon enfance, d’abord ballotté sur le Lac en voilier puis progressivement dans des lieux plus éloignés.
Voilà une douzaine d’années que je pratique la photo sous-marine. Attaché au milieu marin comme tant d’autres par mon éducation, mais aussi par ma formation académique et le visionnement de documentaires animaliers, j’ai eu le privilège de m’y balader (on parle souvent de randonnées palmées) depuis mon enfance, que ce soit en Mer Rouge, en Méditerranée ou dans le Triangle de Corail.
Sur le plan professionnel, j’ai travaillé essentiellement dans la communication institutionnelle et scientifique ainsi que dans la culture.
La photo sous-marine est une passion qui requiert un équilibre entre la pratique avancée de la plongée bouteille (ou snorkeling), le sens de l’observation et le respect du milieu aquatique, qu’il soit marin ou d’eau douce. Dans ce bref commentaire d’images, je vais présenter mon approche de cette pratique en tant que géographe et photographe, d’un point de vue empreint de géopoétique.
A l’occasion d’un voyage à Bornéo à la fin des années 2000 sur l’île de Mabul, j’ai eu la chance de tomber en snorkeling sur une tortue imbriquée, (une des sept espèces de tortues marines), puis sur une deuxième, et une troisième, alors qu’elles paissaient paisiblement sur des blocs de corail chatoyants dont elles débarrassent les algues parasites. Encouragé et ébloui par ces rencontres, je me suis hasardé en profondeur où je fus stupéfait et émerveillé de voir un poisson-lion noir volant tranquillement dans la colonne d’eau en apesanteur (Pterois volitans ou rascasse volante). Cela m’a immédiatement fait penser au magnifique ouvrage de Nicolas Bouvier Le Poisson Scorpion, et à mon sens c’était plus probablement un poisson-lion dans un bocal qui y est décrit.
Comme beaucoup de poissons prédateurs (il est malheureusement devenu invasif dans les Caraïbes et déjà et plus récemment en Méditerranée via le canal de Suez), ce spécimen dont les nageoires-épines peuvent créer la paralyse m’observait avec calme et je l’observais en retour fasciné, les yeux dans les yeux, sans que ne nous ne soyons effrayés. Loin d’être agressive avec l’homme, cette espèce se laisse approcher facilement.
Ce fut une épiphanie qui me donna résolument le désir de passer rapidement mes brevets de plongée bouteille, de développer des connaissances sur les milieux aquatiques, et de témoigner de leur beauté par la photosub. Il existe un concept de la conservation naturelle qui a été à mon sens trop longtemps négligé appelé « Love not loss » soit l’importance de privilégier l’amour du vivant plus que l’énumération des espèces vouées à disparaître. Le monde naturel mérite d’être contemplé, vécu et préservé par l’émerveillement, l’enchantement et le témoignage plutôt que par un catastrophisme qui pourrait lasser, par écoanxiété ou le sentiment qu’une partie du vivant est malheureusement voué à disparaître. Bien entendu, la situation climatique et la sixième extinction de masse de la biodiversité actuelle sont alarmantes et cruciales ; nous sommes à un point de bascule qui a peut-être été dépassé mais j’estime simplement que nos modes de vie urbains nous ont trop longtemps éloignés du spectacle et du ressenti inscrit dans l’inconscient collectif de l’enchantement face au vivant.
Les oasis de vie marine que sont les récifs coralliens (un quart de la biodiversité marine y vit) m’ont donné envie de poser des jalons photos, de témoigner, de protéger. Identifier, comprendre et me graver des souvenirs du lieu et de la situation de la plongée, du ressenti du moment.
En plongée, tous les sens sont en alerte, en apesanteur et animés parfois de discours silencieux. C’est une façon d’être au monde paisiblement, en interaction avec la palanquée mais aussi d’être partie prenante de la vie marine le temps de quelques immersions, sans y toucher ni l’effleurer, simplement par des observations mutuelles. C’est une forme de randonnée horizontale et verticale, propice à la réflexion mais aussi d’une quête de sens un peu mystique, une forme d’évasion. Le monde du silence est en fait parsemé de bruissements, celui de la vague, du mouvement des créatures marines mais aussi des bulles d’air des plongeurs, à un rythme régulier et méditatif et en bref, une façon d’habiter le monde. « Seul le voyage intérieur est réel » selon Ella Maillart et je ne peux qu’abonder dans son sens.
Bien sûr, le tourisme lié à la plongée entraîne parfois des dégâts sur le milieu, mais il permet aussi de le préserver par la création de parcs naturels et ainsi de participer à l’économie de subsistance de contrées marines. Cette vie foisonnante nous rappelle aussi que nous ne sommes que des hôtes temporaires dans la Biosphère…
Nota bene : des tirages photographiques sur papier sont disponibles sur demande.
Contact : nicobourquin@gmail.com
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