Charles de Foucauld. Explorateur

Posté le

Alexandre Duyck. Éditions Paulsen, Paris, 2016. 140 pages. Format 21 x 15 cm.

Ouvrage modeste par sa taille, mais déterminant par son contenu, parce qu’il nous livre une autre vision que celle par trop convenue et réductrice, de « l’Ermite du Sahara », de Charles de Foucauld (1858-1916), vicomte, officier de cavalerie, explorateur et géographe. C’est par cette première facette du personnage que l’auteur, grand reporter pour plusieurs médias français, entame son récit, dans un style vif et de lecture aisée ; chapitre I Le jours de gloire :

« Sur la façade de l’immeuble bourgeois du 184, boulevard Saint-Germain, à Paris, deux plantureuses cariatides de marbre représentant la Terre et la Mer (…) encadrent fièrement un globe terrestre. C’est ici, à l’hôtel de la Société de géographie, la plus ancienne et la plus prestigieuse du monde (…que) d’éminents spécialistes désignent ceux qui, parmi les aventuriers, géographes et explorateurs de ce vaste monde, sont dignes d’être honorés et de devenir membres de l’institution. En ce 24 avril 1885, de vieux messieurs fortunés et portant beau se trouvent réunis au premier étage, dans la salle de commission. (…) 
L’homme qu’ils s’apprêtent à honorer est un gamin de vingt-six ans seulement. Il est récemment rentré du Maroc, pays qui, interdit aux chrétiens, demeure encore largement méconnu. Cette vaste contrée dangereuse et redoutée, Charles de Foucauld vient de l’explorer durant un an. (…) Le président de la Société, Ferdinand de Lesseps (…) est épaté par ce jeune homme impétueux et curieux du vaste monde (…). »

Biographie et récit de découvertes géographiques, l’ouvrage nous livre une fresque de la vie impressionnante autant que tumultueuse de cette grande figure de la géographie. Sautons à la quatrième de couverture, fidèle – ce qui n’est pas toujours le cas…- au contenu de l’ouvrage.

« On connaît le Charles de Foucauld, prêtre retiré dans le désert béatifié par le pape Benoît XVI, le prêtre retiré dans le désert et assassiné le 1er décembre 1916. On connaît moins le jeune vicomte (…) qui, parti pour dilapider l’héritage familial (…) à Paris, devint certes un homme d’Église, mais aussi l’un des plus grands explorateurs français de la fin du XIXe siècle et du début du XXe. (…) de Foucauld parcourt le Maroc (…) puis l’Algérie, la Tunisie, la Palestine, la Syrie. (…) C’est le voyageur passionné par l’ailleurs, excessif, à la fois irritant et attachant, l’explorateur tenace et acharné, le géographe ambitieux, que questionne ici Alexandre Duyck, révélant toutes les contradictions d’un ermite qui ne cessa jamais de partir à la rencontre du monde et des hommes. »

Au Hoggar 

Après un parcours spirituel des plus tortueux, passant, dans sa prime jeunesse, du reniement de la foi catholique dominante dans sa famille et son milieu, à la découverte de l’Islam au cours de ses voyages, puis le retour au catholicisme avec des passages chez les Jésuites, à la Trappe, le pèlerinage en Terre Sainte.  Puis, finalement, il y a l’Appel du Désert : il part pour le Sahara. D’abord à Beni-Abbès, dans l’ouest algérien, puis au Hoggar. Ce sont les premières années du XXe siècle, et de Foucauld rencontre les autorités, les religieux, et les militaires français qui « font l’histoire » du sud algérien. Mais ce sont finalement les « Peuples premiers », comme l’on ne disait pas encore, qui vont polariser son attention, orienter ses recherches et ses études. Il se fixe à Tamanrasset (1905-1906), fait construire un ermitage sur les hauteurs, au lieu-dit l’Assekrem. Accepté par les Touareg (non, pas de « s » au pluriel, selon les linguistes), de Foucauld va devenir l’un des plus fins spécialistes de leur culture, de leur langue. Simultanément, de Foucauld cherche des voies pour l’évolution de l’Église catholique, ses congrégations, il créé une originale Fraternité. Dans le grand tumulte de la Première guerre mondiale, le Sahara français n’y échappe pas : de Foucauld est assassiné par des pillards, dans son ermitage, le 1er décembre 1916.

L’Assekrem va devenir, au cours des décennies, un lieu de pèlerinage, mais aussi un but touristique, alors que les possibilités de voyages au Hoggar se développent. Nous y sommes entre les 25 et 28 avril 1987, nous bivouaquons au col de l’Assekrem parmi quelques autres mordus du Sahara, je monte au piton où se situe l’ermitage pour assister au lever du jour sur les reliefs du Hoggar (point culminant le Tahat 2918 m), cet immense périmètre montagneux de 50’000 km2. ; spectacle saisissant. 

Du voyage au XXe siècle

Ce passage au Hoggar, nous le faisons dans le cadre d’un long voyage titré « Aïr –Hoggar 87 », l’objectif étant de parcourir les reliefs de cette partie du Sahara, entre les 20 et 26° Sud, et aux environs de l’axe 8° Est. C’est notre période Sahara, nous nous sommes équipés pour, il y a une dimension « raid automobile », avec l’équipement ad hoc pour une autonomie assumée, et assurée, et en solo, seuls, toujours ! Des bribes de récit sur le site https://grandgeocoucou.com

https://grandgeocoucou.com/2019/12/01/monts-bagzane/

https://grandgeocoucou.com/2019/12/15/hoggar/

Ce type de voyage n’est plus envisageable de nos jours, toute la région est sous l’emprise du terrorisme, nous ne pourrions plus vivre ces nuits de bivouacs sur le sable, les yeux dans les étoiles. Et il n’y avait pas encore de « tours organisés », formule qui va être de courte durée : les tours operators vont rapidement se lasser des difficultés de tous ordres à prétendre envoyer des touristes au Sahara.

Le genre fut aussi facilité, dans sa préparation, par l’existence d’une bonne documentation. Ce sont les dernières années où les « Guides de voyages » sont de réelle utilité, rédigés par des voyageurs, et non le résultat de compilations aléatoires, ou, dernier avatar, ils ne sont plus que des listes de lieux commerciaux.  

Nos guides de référence sont les dignes descendants du Guide Baedecker, le « Guide Rouge », avant qu’en français nous n’ayons le « Guide Bleu ». Et pour le Sahara, et l’Afrique de manière plus générale, il y a un produit genevois qui fait florès : TRANSAFRIQUE, édité par le Touring Club Suisse, siège central, à Genève.

Quelqu’un que j’aurai le grand plaisir de rencontrer bien plus tard, en est la cheville ouvrière, j’ai cité Philippe Martin, de la Société de Géographie de Genève, membre du Bureau, et éditeur Web : un autre « fou de voyages » …La Société de Géographie de Genève a à son programme de conférences de la saison le sujet « Comment voyager en 2022 » …Question pertinente, surtout que la confusion s’est infiltrée, entre vacances, tourisme, et voyage. Pour moi, le voyage doit être sérieusement motivé, préparé, documenté, avant / pendant / après, et l’on doit être à même d’en laisser une trace. Point de vue de la vieille école, d’une autre époque, évidemment. 

Roland Meige, janvier 2022