Le Pays des Illinois, par Pascale KICHLER

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Introduction

En 1717, le gouvernement royal français détache la colonie de l’Illinois du Canada et l’intègre à la Louisiane. L’année suivante, la Nouvelle-Orléans est fondée et les soldats français remontent le fleuve du Mississippi en bateau (chaloupes à voiles). La France souhaitait relier les colonies de la côte du golfe à celles de la vallée du Saint-Laurent, et encourager la production céréalière dans ce qu’on appelait le pays des Illinois, soit les riches plaines inondables agricoles de chaque côté du Mississippi.

Le gouvernement de Louis XV investit massivement dans un fort en pierre à partir de 1753 (Fort de Chartres), en préparation de la guerre de la Conquête (1756–1763).

FYI: Par le traité de Paris signé en 1763 entre la France et la Grande-Bretagne, celle-ci obtient de la France tous les territoires français situés à l’est du Mississippi, ainsi que l’île Royale, l’Isle Saint-Jean, le Nord de l’Acadie, le Québec, et le bassin des Grands Lacs.

Après 1763, la plupart des Français vivant sur la côte est du fleuve Mississippi déménagèrent sur la côte ouest du fleuve en territoire espagnol. En 1765, Fort de Chartres est abandonné.

La présence britannique est de courte durée (1765-1772). Dans les années 1980, l’état de l’Illinois reconstruit sur les fondations en pierre d’origine une partie du complexe pour donner une bonne idée de son apparence en 1765. Chaque printemps et automne, Fort de Chartres accueille des reconstitutions civiles et militaires de l’époque, les Rendez-Vous.

Fort de Chartres, Illinois (pages 2 et 3 du diaporama)

Construit par les Français lors de leur colonisation au XVIIIe siècle du Pays des Illinois. Le fort en pierre massif a été précédé de trois forts en bois, dont le premier a été érigé en 1720. Il a servi de siège du gouvernement français et de sa principale installation militaire en Haute-Louisiane. En 1763, la France céda ce territoire et une grande partie de son territoire nord-américain à la Grande-Bretagne.

Le site historique d’État du Fort de Chartres fait partie du corridor historique colonial français.

Lors de la construction du fort en pierre (vers 1753), il y avait 300 soldats. C’était le plus grand nombre de soldats jamais réunis à Fort de Chartres. Cela faisait de l’Illinois la deuxième plus grande concentration de forces militaires en Louisiane. Les autorités coloniales essayaient de garder les soldats en grande partie hors des villages coloniaux. Selon elles, c’était par contact avec le colon et les commerçants de fourrure que les soldats prenaient de mauvaises habitudes et désertaient. En 1750, 21 soldats quittèrent le fort en un seul groupe, puis un groupe de sept, au cours des années suivantes, 79 avaient déserté. (Morrissey 50).

Prairie du Rocher, Illinois (page 5 du diaporama)

Le village était à l’origine un satellite agricole du fort. En 1798, un visiteur français déclare que c’est la communauté la plus purement française de toute la vallée du Mississippi. Aujourd’hui encore, un nombre considérable de ses habitants descendent des colons du XVIIIe siècle et continuent à porter des noms de famille français.

En quittant Prairie du Rocher le long de Bluff Road (route des Falaises, page 6 du diaporama), on remarque les spectaculaires falaises calcaires en surplomb. À l’époque préhistorique, ces rochers offraient un espace de vie aux tribus indiennes de la région. Dans les temps modernes, les agriculteurs locaux utilisent les abris dans la roche pour stocker le matériel agricole et la paille, tout comme les agriculteurs le faisaient au XVIIIe siècle.

Le ferry Modoc est un ferry pour voitures sur le Mississippi qui relie Fort de Chartres à Ste-Geneviève

Kaskaskia, Illinois (pages 7 et 8 du diaporama)

Kaskaskia a été initialement colonisé en 1703 par des membres de la tribu indienne Kaskaskia, des commerçants français et des missionnaires français, la plupart des commerçants ayant eu des femmes indiennes. Puis un nombre important d’esclaves africains furent importés pour effectuer des travaux agricoles, bien que l’esclavage français fût moins barbare que dans le sud des États-Unis. Au moment de la révolution américaine, Kaskaskia était la plus grande colonie de tout le Midwest. À l’époque coloniale, des bateaux chargés de tonneaux de farine descendaient du Mississippi depuis Kaskaskia pour fournir aux habitants de la Nouvelle-Orléans l’ingrédient essentiel pour leurs baguettes et beignets.

Sainte-Geneviève, Missouri (page 9 du diaporama)

Ce village sur la rive ouest du Mississippi fut fondé vers 1750 pour exploiter les riches terres agricoles et accéder aux mines de plomb situées plus à l’ouest, Sainte Geneviève contient le plus grand nombre de bâtiments créoles français aux USA. Ces bâtiments sont construits avec des poteaux de bois plantés verticalement dans le sol alors que les cabanes traditionnelles des colons américains sont constituées de rondins assemblés horizontalement.

Après la révolution américaine, une population francophone vivait relativement paisiblement sous un gouvernement colonial espagnol tandis que les Américains sur la rive est du Mississippi étaient plus belliqueux. Si le Mississippi sépare aujourd’hui l’état démocratique de l’Illinois de l’état républicain du Missouri, il est important de noter qu’à l’époque coloniale, le fleuve ne divisait pas mais était plutôt un lien. Les familles francophones maintenaient des relations avec l’autre rive du Mississippi.

Dans le Welcome Center de Ste-Geneviève on peut voir un diorama représentant le village de Ste-Geneviève tel qu’il était en 1832. Les habitudes de vie coloniales, y compris les maisons en rondins verticaux et les propriétés entourées de grandes clôtures en bois, ont persisté jusqu’au XIXe siècle, tout comme la langue française.

Il existe de nombreux musées dans le village: le Welcome Center de Sainte-Geneviève, le centre de la vie coloniale française, fondé par la Société nationale des dames coloniales d’Amérique et enfin le musée historique de Sainte-Geneviève. Le village fait partie depuis 2020 du U.S. National Park Service.

Le centre de la ville était l’église paroissiale. Deux belles résidences sont situées à proximité de l’église. L’une est la Maison Bolduc (diaporama, page 9), construite au début des années 1790. À l’époque elle comprenait en plus de la résidence principale, une écurie, des quartiers d’esclaves, un poulailler et un four de cuisson de style ruche. Après les inondations du Mississippi de 1993, plusieurs associations historiques ont acquis et rénové des demeures de Ste-Geneviève. La Maison Bolduc a été acquise et rénovée par la National Society of Colonial Dames of America de l’État du Missouri.

Cahokia, Illinois (pages 10 à 12 du diaporama)

En 1699, des prêtres jésuites français fondèrent Cahokia juste de l’autre côté du fleuve Mississippi de ce qui allait devenir Saint-Louis quelque 65 ans plus tard.

Église de la Sainte-Famille: L’église verticale en rondins, date de 1787 à 1799. Elle a une importance particulière car c’est la seule église / édifice public du XVIIIe s. qui reste en Illinois et au Missouri. Tous les autres ont disparu. L’église a été soigneusement restaurée en 1949.

L’église continue d’être utilisée à des fins religieuses une fois par mois une messe en latin y est célébrée. Une église paroissiale moderne plus grande se trouve maintenant à proximité. L’ancienne église est généralement fermée à clé et les dispositions pour la visiter doivent être prises avec le presbytère.

Le Musée de la Paroisse de la Sainte-Famille possède une Bible imprimée en France en 1568, à l’époque de la Contre-Réforme pour contrecarrer les effets de la Réforme Protestante. Cette bible appartenait à Jean Baptiste Deveaux qui l’amena en Amérique en 1832.

Page 11 du diaporama: La page de titre indique

Le second tome de la Sainte Bible, latin français, chacune version correspondante l’une à l’autre, verset à verset.
Avec annotation et exposition des lieux les plus difficiles et principalement de ceux qui ont été dépravés et corrompus par les hérétiques de notre temps.
Par M. René Benoist, angevin, docteur régent en la faculté de théologie à Paris
A Paris
Chez Michelle Guillard, veuve de Guillaume Desbois, au Soleil d’or, rue Saint-Jacques
1568 avec privilège du roi

Maison Nicolas Jarrot. Nicolas Jarrot, un immigrant français fit fortune dans la vallée du Mississippi. Il construisit cette grande maison près de l’église de Cahokia. La brique était un matériau inhabituel dans la région à cette époque ainsi que le style fédéral alors populaire sur la côte est américaine. Contrairement à de nombreux créoles français de la région, Jarrot était déterminé à s’adapter rapidement aux habitudes américaines et il accueillit Lewis et Clark dans l’Illinois en décembre 1803. La maison fut acquise et fidèlement restaurée à la fin du XXe siècle par l’Illinois Historic Preservation Agency.

Le Palais de Justice de Cahokia Le bâtiment contient maintenant un petit musée avec des expositions intéressantes sur la vie coloniale. Un diaporama offre une excellente introduction à l’ensemble du couloir créole français.

Population du Pays des Illinois

Vers 1750, le Pays des Illinois comptait environ 600 Français et métis ainsi que 600 esclaves (Africains et Indiens d’Amérique) (Morrissey, 44). La région était très isolée et les habitants préféraient diriger les choses eux-mêmes plutôt que de suivre les ordres des soldats du Roi de France. Les habitants de l’Illinois étaient indépendants. Ils avaient de la viande en abondance et cultivaient blé et de maïs en suffisance, ce qui leur permettait d’exporter leurs céréales. Ils cultivaient du raisin et faisaient du vin (Morrissey 48).

Les habitants de l’Illinois ont toujours conservé leur propre autonomie. Dans l’Illinois, loin du contrôle impérial, le colon ne se soumettait souvent pas à l’autorité. Lorsque les fonctionnaires espagnols sont arrivés dans le pays de l’Illinois après la guerre de Sept Ans, ils ont eu l’impression que le gouvernement français avait toujours laissé les colonies en toute liberté. (Morrissey 51).

Conclusion

Le pays des Illinois fut colonisé par des français de religion catholique romaine. Ceci se retrouve dans les pratiques agricoles, les lois, les coutumes de mariage et d’héritage, dans les habitudes et la pensée, et, pendant de nombreuses décennies, dans le gouvernement de cette région du Midwest (Pregaldin 76).

Les Indiens d’Amérique et les Africains, en tant qu’esclaves et en tant que personnes libres, ont rendu cette civilisation française différente de celle qui a existé en France. Cette civilisation est plus précisément appelée créole française, fondamentalement française mais née, ou produite, dans la vallée du fleuve Mississippi (Pregaldin 76).

Bibliographie

“Contrary to good order” political culture in the Illinois country under the French regime, Robert Michael Morrissey, Gateway 2010

A World of French Civilization adapted from an essay by Tony Pregaldin and Carl J. Ekberg for Les Amis, Gateway 2010

Sui Generis, Landscape, community, and mentalité in the Illinois Country. Carl J. Ekberg, Gateway, vol 30, 2010

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En complément, document de l’Illinois State Historical Society incluant, à partir de la page 6 un intéressant texte “Exploring the Midwest French Root” donnant une bonne introduction historique aux lecteurs qui ne connaissent pas l’histoire française du Midwest.

Pascale KICHLER est Genevoise et vit à Chicago. Entre autres activités culturelles, elle enseigne le français à l’Université de DePaul.

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